Les amphibiens
Les amphibiens
La classe des amphibiens comprend trois grands groupes : les apodes (Gymnophiona, cécilies ou gymnophiones), dépourvus de membres, les urodèles (Caudata), possédant des membres et une queue à l’état adulte, et enfin les anoures, possédant des membres mais plus de queue après les métamorphoses juvéniles. Des informations complémentaires sont disponibles sur trois importants sites : |
Les urodèles sont totalement absents de l’Afrique au sud du Sahara et les apodes ne vivent que dans les zones relativement humides. Ce sont des animaux terrestres qui vivent dans l'humus, la boue des marécages en forêt tropicale voire en eau libre. On en rencontre sur la frange côtière occidentale de la Guinée au Gabon et sur la côte orientale du Kenya au Mozambique. Aussi les anoures sont-ils le groupe essentiellement représenté dans les régions considérées ici : ce sont les crapauds, les grenouilles et les rainettes.
Les apodes sont des animaux terrestres qui vivent dans l'humus, la boue des marécages en forêt tropicale voire en eau libre. Ce sont des espèces tropicales qui se rencontrent en Amérique du Sud, en Amérique centrale, en Afrique de l'Ouest, en Afrique centrale, en Afrique de l'Est, et en Asie du Sud-Est. Elles sont absentes de l'Australie, de Madagascar et des Antilles. Dans la zone qui nous concerne, on est susceptible de rencontrer sept espèces (tableau I).<
Les urodèles regroupent essentiellement les salamandres et les tritons. Contrairement aux apodes, les urodèles vivent essentiellement en zone septentrionale et l’on ne rencontre en Afrique que quatre espèces dont la répartition est limitée au nord de trois pays du Maghreb, Maroc, Algérie et Tunisie (tableau I).
Tableau I. Liste des apodes et urodèles recensées en Afrique au nord de l’équateur.
1. Apodes
Ce groupe rassemble des amphibiens terrestres ou aquatiques, auxquels des pattes atrophiées donnent l'aspect de vers de terre (figure 1). Toutes les cécilies rencontrées en Afrique sont aveugles.
En Afrique, toutes les espèces, fouisseuses sous des débris organiques en décomposition, vivent principalement dans des zones forestières, mais elles sont tolérantes aux habitats anthropisés puisqu’on les retrouve également dans les plantations forestières et les terres cultivées. Certaines autres espèces comme la cécilie de Witu, Schistometopum gregorii, la Cécilie de Sagalla, Boulengerula niedeni, la cécilie de Taita, Boulengerula taitana, ou la cécilie de Changamwe, Boulengerula changamwensis, apprécient également les zones boueuses situées près des cours d’eau.
Figure 1. Trois des six espèces de cécilies (apodes) que l’on rencontre en Afrique, au nord de l’équateur.
La cécilie du Congo, Herpele squalostoma (figure 1), est une espèce de forêt des basses terres.
Adulte, la cécilie du Gabon, Geotrypetes seraphini (figure 1), peut atteindre une longueur d’environ 400 mm et un diamètre de 10 à 15 mm. Geotrypetes seraphini est vivipare et ne dépend pas de l’eau pour se reproduire. À la naissance, le fœtus mesure environ 75 mm de longueur. Geotrypetes seraphini supporte les habitats dégradés car elle est très tolérante aux modifications de l’environnement. De ce fait, Geotrypetes seraphini n’est pas considéré comme une espèce menacée.
Adulte, la cécilie de Witu, Schistometopum gregorii, mesure entre 150 et 350 mm. Cette espèce a une préférence pour les zones de vasières et les plans d’eau, mais elle peut être abondante dans les terres agricoles. Sans que l’on en soit certain, il est possible que S. gregorii entre en estivation durant la saison sèche. S. gregorii est connu pour être bon nageur et peut utiliser cette faculté comme méthode de dispersion. La cécilie de Witu est vivipare. Les adultes se nourrissent de macro-invertébrés du sol tels que les vers de terre et les termites. S. gregorii est considéré comme une espèce abondante. Cependant, certains pensent que cette espèce pourrait souffrir de la mécanisation employée pour la riziculture.
Adultes, les mâles de la cécilie de Changamwe, Boulengerula changamwensis, mesurent entre 180 et 225 mm, les femelles entre 195 et 215 mm. Boulengerula changamwensis a été trouvée en très petits nombres dans les zones agricoles, mais cette cécilie semble préférer les forêts naturelles. Les adultes nourrissent de termites, de vers de terre et d’autres macro-invertébrés du sol.
La cécilie de Denhardt, Boulengerula denhardti, vit dans les forêts sèches de moyenne altitude et dans les sols volcaniques humides. Si l’on suppose que sa biologie de la reproduction est similaire à celle d’autres espèces de Boulengerula, l’espèce serait ovipare. Elle pourrait être menacée par la déforestation qui existe dans la région de la rivière Tana, mais il faudrait plus d’informations avant que ceci ne soit confirmé. Outre la déforestation l’espèce pourrait être menacée par l’intensification de l’agriculture et par l’augmentation de l’épandage de pesticides et d’herbicides, ainsi que par l’expansion de l’urbanisation.
Adultes, les mâles de la cécilie de Sagalla, Boulengerula niedeni, mesurent entre 160 et 280 mm, les femelles entre 150 et 275 mm. Comme son nom l’indique, cette cécilie ne vit que dans la région des collines de Sagalla au sud-ouest du Kenya. Comme les autres cécilies, elle ne vit que dans les zones humides et fertiles de sols noirs. Cela signifie que plusieurs zones de Sagalla sont inadaptées, notamment les plantations d’eucalyptus et les zones sèches. Cette espèce est relativement commune à des altitudes comprises entre 1000 et 1550 m, en particulier lorsqu’un cours d’eau est proche. Avant de devenir indépendants, on pense que les jeunes se nourrissent probablement de la peau de leur mère. La cécilie de Sagalla se nourrit essentiellement de vers de terre et de termites, mais également d’autres petits invertébrés vivant dans le sol. On pense que comme la cécilie de Taita, Boulengerula taitana, se reproduit durant la petite saison des pluies et qu’elle pond ses œufs dans un petit terrier creusé dans le sol. Les œufs sont gardés par la femelle et les jeunes éclosent déjà formés.
Adultes, les mâles de la cécilie de Taita, Boulengerula taitana, mesurent jusqu’à 350 mm, les femelles jusqu’à 335 mm. Cette espèce se rencontre tout au long de l’année, mais on la trouve plus fréquemment durant les périodes pluvieuses lorsqu’elle migre vers la surface du sol. La cécilie de Taita est ovipare et présente un développement direct. L’accouplement a lieu, dans le sol, au début de la courte saison des pluies (octobre à décembre). Les femelles construisent une chambre souterraine où elles pondent leurs œufs à une profondeur de 4 à 70 cm. Cette espèce semble fournir des soins alloparentaux, c’est à dire qu’une faible proportion de juvéniles trouvés dans la litière peut appartenir à différentes femelles. La nichée comprend deux à neuf œufs, mais la ponte moyenne est de cinq œufs. Cette espèce est certainement la moins féconde des cécilies. Au bout d’un an les juvéniles se transforment en sub-adultes, puis ces derniers deviennent adultes lorsqu’ils atteignent deux ans. Après l’éclosion, les juvéniles de la cécilie de Taita se nourrissent de la couche externe de la peau maternelle. Lorsque la métamorphose dentaire est achevée, une fois les jeunes devenus matures, les cécilies se nourrissent de termites, de vers de terre, de fourmis et d’autres macro-invertébrés du sol (Kupfer et al., 2008). Même si près de 98 % de la forêt des collines Taita a été remplacée par des parcelles agricoles, B.. taitana semble demeurer abondante et ne pas être perturbée par les actvités agricoles.
2. Urodèles
Ce groupe forme un ordre d'amphibiens qui gardent une queue à l'état adulte, à la différence des anoures et des apodes. Ils possèdent des caractères d'amphibiens primitifs, vivant dans les milieux humides et frais sous les pierres ou les souches. À terre, ils ne se déplacent pas par bonds comme les anoures, mais le plus souvent en marchant, parfois en courant. Les espèces aquatiques peuvent se déplacer au fond de l'eau en marchant, et sont d'assez bons nageurs, utilisant leur queue bien développée pour la propulsion.
Comme la plupart des amphibiens, tous les tritons souffrent de la perte et de la destruction des sites de ponte. Comme les étangs où les animaux vivent sont souvent petits et temporaires, ils sont difficiles à protéger, d’autant que des problèmes de pollution peuvent se produire rapidement.
Figure 2. Les quatre espèces d’urodèles africains vivent dans les pays du Maghreb.
Le triton d'Algérie, Pleurodeles nebulosus (figure 2), C’est censé être une espèce aquatique en grande partie tributaire de réservoirs, étangs, marais et autres zones humides. On ne sait ne pas si ce triton utilise les habitats terrestres. Cette espèce a une stratégie de reproduction similaire à Pleurodeles waltl, c’est-à-dire qu’elle dépose ses œufs, puis le développement larvaire se termine dans l’eau. C’est une espèce rare et en déclin.
Le triton de Poiret, Pleurodeles poireti (figure 2), se trouve dans les régions méditerranéennes de l’Algérie et la Tunisie occidentale. Ce triton vit dans une large variété d’habitats, y compris les forêts de chêne liège, les dunes de sable côtières, les maquis de buissons et de broussailles, les pâturages et même les zones de champs cultivés. Cet animal est terrestre pendant la majeure partie de l’année. Cette espèce se reproduit à la fin de l’hiver et au début du printemps dans les étangs, les fossés et les ruisseaux de faible courant. En Tunisie, les larves sont aquatiques et ont été aperçus proche de la métamorphose en avril. Ces tritons sont assez communs. En Tunisie, plusieurs sites côtiers de reproduction ont été détruits à cause de la construction de centres de villégiature et de terrains de golf.
Le triton d'Espagne, Pleurodeles waltl (figure 2), vit uniquement dans la péninsule ibérique et au Maroc. Au Maroc, on le trouve dans les zones humides semi-humides et semi-arides de la partie nord-ouest du pays. P. waltl. vit dans de petits étangs permanents ou temporaires, mais a une préférence pour ceux qui ont une profondeur d’au moins un mètre. L’espèce est assez tolérante aux pollutions organiques et tolère bien la salinité. On le trouve rarement sur terre et il préfère rester près de l’eau. Cette espèce a également été trouvée dans des grottes sombres, à une profondeur de 60-70m, près de Ben Slimane, Boulhaut, Maroc.
La période de reproduction peut varier, mais habituellement elle coïncide à la période humide. L’accouplement a lieu dans l’eau. Le mâle libère un spermatophore dans le cloaque de la femelle. Puis il est stocké dans une spermathèque pour la fécondation. Deux jours après la fécondation, les œufs sont pondus en petits groupes de 9-20, généralement attachés à des objets submergés ou plantes. Au cours des 2 ou 3 jours, un total de 150 (pour les jeunes femelles) jusqu'à environ 1300 œufs sont déposés. L’éclosion des larves, longues d’environ 10mm, survient après environ 13 jours. Dans des conditions naturelles, la métamorphose survient entre 3 et 4,5 mois. Elles mesurent alors entre 53 et 110 mm. Certaines larves ne se métamorphosent jamais et on parle alors de néoténie puisque les adultes conservent des caractéristiques juvénile. Les adultes se nourrissent de mollusques aquatiques, de vers et d’insectes. Lorsqu’il est menacé, la peau du corps se contracte et il pousse alors des sortes de verrues jaune-orange sur le côté du corps. Dans cette zone, la peau est riche en glandes à venin et les verrues fonctionnent comme des épines toxiques destinées à dissuader l’agresseur.
La salamandre tachetée, Salamandra algira (figure 2), est peut être éteinte en Tunisie, mais au Maroc et en Algérie où elle existe encore, elle se cantonne dans le Nord. Les populations les plus méridionales vivent généralement à des altitudes plus élevées. Sinon, l’espèce se rencontre du niveau de la mer jusqu’à 2010 m et fréquente généralement les forêts de chênes ou de pins, bien qu’on l’ait quelque fois rencontré dans des zones non forestière. Salamandra algira passe la journée sous les bûches, les débris, les pierres, ou même dans les trous et les terriers de rongeurs. L’activité de cette espèce s’arrête pendant la période estivale. Quand la pluie commence à tomber en novembre les animaux redeviennent actifs. La reproduction a lieu durant les mois d’hiver. Les animaux s’accouplent à terre et peuvent donner naissance soit à des jeunes salamandres complètement métamorphosés, soit, plus généralement à des larves.
3. Anoures
Lorsqu’on consulte les sites spécialisés, on note que contrairement aux apodes et aux urodèles, les anoures sont très nombreux dans la zone considérées puisqu’on ne dénombre pas moins de 19 familles et 682 espèces (tableau II).
Tableau II. Liste des familles d’anoures et des espèces qu’elles comprennent dans la zone considérée (source : amphiaweb).
L’identification des anoures et de leurs larves présente quelques difficultés quand on s’adresse à l’ensemble des espèces du groupe. Nous nous contenterons donc de présenter les principales espèces ainsi que leur répartition géographique.
Chez tous anoures, les deux sexes diffèrent par des caractères externes. Certains de ces caractères sont constants ; d’autres, les caractères sexuels secondaires, n’apparaissent qu’au moment de la reproduction. Les principaux caractères sexuels secondaires des anoures sont les brosses copulatrices des mâles qui se présentent sous la forme de coussinets ou d’aspérités souvent très pigmentées, sur les doigts des membres antérieurs (figure 3). Elles ont surtout pour objet de permettre aux mâles de s’agripper aux femelles lors de l’amplexus.
Figure 3. Brosse copulatrice du mâle du crapaud commun africain, Sclerophrys regularis (redessiné d’après Lamotte et Xavier, 1981).
Parmi les caractères constants, citons la taille, généralement plus grande chez les femelles, et surtout les sacs vocaux, strict apanage des mâles chez les espèces qui en possèdent. Ce sont de puissants résonateurs formés par un diverticule de la paroi buccale. Flasques au repos, ils sont distendus et sphériques lorsqu’ils sont gonflés d’air. Le nombre et la position des sacs vocaux sont variables. Ils sont dits internes lorsqu’ils sont sous la peau non modifiée, et externes quand, étant gonflés, ils font saillie à l’extérieur. Ils peuvent être uniques et médians sous la gorge ou au contraire doubles et latéraux (figure 4).
Figure 4. Types de sacs vocaux d'anoures, sac vocal unique et médian gonflé (gauche), sacs vocaux doubles et latéraux gonflés (droite).
Les appels sonores émis par les sacs vocaux constituent dans beaucoup de cas le caractère spécifique le plus net et ils sont de plus en plus utilisés dans la détermination des anoures. Ce sont ces chants qui permettent souvent de trancher avec un maximum de sécurité dans les problèmes d’espèces jumelles. Ils permettent en outre, pour qui les connaît, de faire une prospection rapide du peuplement.
Les espèces de la région étudiée se répartissent en 19 familles dont certaines présentent des adaptations qui leur permettent de supporter la sècheresse de l’air, notamment dans les zone où l’eau fait défaut une partie de l’année. Parmi ces adaptations, citons : l’épaisseur de la peau et surtout l’aptitude à l’enfouissement dans le sol, aptitude qui se manifeste souvent par la présence de forts tubercules, métatarsiens ou autres, aux membres postérieurs. Toutes ces espèces présentent un développement à partir d’œufs pondus dans l’eau qui éclosent sous forme de têtards à vie entièrement aquatique. C’est la rapidité du développement, favorisée par la température élevée de l’eau et l’abondance temporaire de nourriture, qui constitue la réponse adaptative des espèces à la brièveté de la saison des pluies et à la faible durée de l’immense majorité des collections d’eau.
3.1. Alytidae
Deux genres : Alytes et Discoglossus
Les trois espèces de cette famille (figure 5), appartenant à deux genres, ne se rencontrent qu’en Afrique du Nord, Maroc, Algérie et Tunisie. Ce sont de petites grenouilles généralement associées à l’eau. Comme les crapauds, elles sont cependant terrestres et les mâles portent la couvée d’œufs sur le dos et les cuisses. C’est pour cette raison que ces grenouilles sont connues sous le nom de « crapauds de sage-femme ». Lorsque les larves sont prêtes à éclore, le mâle libère les têtards dans un plans d’eau.
Figure 5. Deux des trois espèces d’Alytidae vivant en Afrique du Nord.
3.2. Arthroleptidae
Huit genres : Arthroleptis, Astylosternus, Cardioglossa, Leptodactylodon, Leptopelis, Nyctibates, Scotobleps et Trichobatrachus (figure 6).
Les Arthroleptidae (comme les Hyperoliidae, voir plus loin) présentent une très importante radiation (139 espèces) limitée à l’Afrique subsaharienne. Les Arthroleptidae incluent des grenouilles présentant une importante variété de morphologie et de tailles corporelle. Au sein de cette famille l’écologie est très variable selon les espèces. Les huit genres rencontrés se rencontrent tous en zone forestière, mais les Leptopelis et Arthroleptis peuvent également se trouve dans des régions moins boisées et des prairies humides. Certaines espèces vivent parfois dans les prairies humides de haute altitude. Tous les genres ont des têtards, sauf Arthroleptis et éventuellement quelques espèces de Leptopelis qui ont un développement direct. Les têtards vivent dans des cours d’eau mais certains Leptopelis peuvent être trouvés dans les petites mares. La grenouille poilue, Trichobatrachus robustus, est la plus célèbre espèce d’Arthroleptidae, car lors de la saison de reproduction les mâles possèdent des extensions cutanées hautement vascularisées qui ressemblent à des cheveux. Selon certains, ces extensions sont censées aider à la respiration cutanée.
Figure 6. Cinq des 139 espèces d’ Arthroleptidae vivant en Afrique au nord de l’équateur.
3.3. Brevicipitidae
Cinq genres : Balebreviceps, Breviceps, Callulina, Probreviceps, Spelaeophryne (figure 7).
La répartition des Brevicipitidae est limitée aux parties orientales et méridionales de l’Afrique subsaharienne, du sud de l’Éthiopie à l’Angola et l’Afrique du Sud. Dans la zone qui nous concerne, on est susceptible de rencontrer 19 espèces appartenant à cinq genres. Chez certains genres, comme Breviceps, les mâles et femelles présentent une importante différence corporelle. Les grenouilles mâles sont beaucoup plus petites et ont des membres courts par rapport à leur volume. Par ailleurs, ils leur peau sécrète un liquide adhésif qui permet aux mâles et aux femelles de rester « coller » ensemble pendant l’accouplement. Les œufs sont déposés dans des chambres souterraines. Tous genres ont un développement direct et les jeunes éclosent directement des œufs totalement métamorphosée. Enfin, par rapport au corps la tête de ces espèces est très courte.
Figure 7. Trois des 19 espèces de Brevicipitidae vivant en Afrique au nord de l’équateur.
3.4. Bufonidae
Seize genres : Altiphrynoides, Barbarophryne, Bufo, Bufotes, Churamiti, Didynamipus, Laurentophryne, Mertensophryne, Nectophryne, Nectophrynoides, Nimbaphrynoides, Poyntonophrynus, Schismaderma, Sclerophrys, Werneria, Wolterstorffina (figure 10).
Il s’agit d’une vaste famille très complexe. Dans la zone qui nous concerne, cette famille est composée de 16 genres (sur les 34 genres dans le monde entier) et 86 espèces. Cette famille comprend le stéréotype du « crapaud » stéréotypé avec des pattes antérieures raccourcies, des pattes postérieures utilisées pour marcher ou sauter, une peau sèche et verruqueuse et glandes parotoïdes derrière les yeux (figure 8).
Figure 8. Les glandes parotoïdes sont des glandes sous-cutanées à excrétion externe situées sur le dos, le cou et les épaules de certains crapauds et les salamandres. Elles sécrètent une substance (parfois laiteuse) qui contient des alcaloïdes servant à tuer ou dissuader les prédateurs. Ici, , chez ce crapaud, elles sont bien visible juste au-dessus de l'oreille (© Froggydarb).
La substance produite agit comme une neurotoxine lorsqu'elle pénètre l'organisme d'un éventuel prédateur.
Le développement de ce groupe est assez varié. En effet, il existe des espèces qui pondent des œufs dans l’eau et produisent des larves aquatiques, des espèces terrestres dont le développement est direct et même les seules espèces de grenouilles vivipares connues, les Nectophrynoides et les Nimbaphrynoides qui donnent naissance à des jeunes entièrement développés. Les caractères communs au sein de cette famille sont : 1) présence de l’organe de Bidder ; 2) dents absentes aux mâchoires supérieure et inférieure ; 3) le muscle postérieur constricteur absent ; 4) muscle dépresseur de la mandibule provenant uniquement du squamosal (figure 9) ; 5) corps gras inguinaux présents ; 6) crâne très ossifié (généralement la peau est ossifiée sur le crâne).
Figure 9. Schéma simplifié du squelette du crâne d’un tétrapode : os squamosal (sq), os postorbitaire (po), os pariétal (p), carré (q), os jugal (j) et os quadratojugal (qj).
Figure 10. Sept des 86 espèces de Bufonidae vivant en Afrique au nord de l’équateur.
3.5. Conrauidae
Un seul genre : Conraua.
Cette famille ne comprend qu’un genre et six espèces de grenouilles que l’on ne rencontre qu’en Afrique subsaharienne. Cette famille est connue pour comprendre la plus grande grenouille du monde. On la nomme généralement grenouille géante ou grenouille goliath, Conraua goliath (figure 11), qui peut atteindre 32 cm de longueur et peser plus de 3 kg. La grenouille goliath, que l’on rencontre au Cameroun et en Guinée Équatoriale, est également célèbre pour son incroyable capacité de saut puisqu’elle peut bondir jusqu'à 3 mètres de haut. Cependant, elle est généralement épuisée après deux ou trois sauts de ce type. Cette espèce comme quatre des six espèces de ce genre sont menacées.
Figure 11. La grenouille géante ou grenouille goliath, Conraua goliath, est considérée comme la plus grande grenouille de la planète (© Muir).
3.6. Dicroglossidae
Un seule genre et une seule espèce.
La quasi-totalité des espèces de cette famille vivent en Asie. On ne trouve qu’une seule espèce, Hoplobatrachus occipitalis (figure 12), en Afrique. Elle se rencontre en zone de savane depuis le sud de la Mauritanie à l’Éthiopie, à travers l’Afrique de l’est au nord de la Zambie, au sud et à l’ouest République démocratique du Congo, en Angola, au Congo, au Gabon et au Cameroun. Il existe également des sous-populations isolées au sud-ouest de la Libye, au sud-est du Sahara occidental, dans l’Aïr au Niger et au nord du Mali (Adrar des Ifoghas).
Elle vit dans de nombreux habitats depuis la savane sèche jusque dans les forêts perturbées. Elle utilise les chemins d’exploitation forestière et les rivières pour pénétrer profondément dans les forêts. Elle est devenue invasive dans les zones boisées où les forêts ont été perturbées. Elle se reproduit dans les petites et moyennes mares d’eaux temporaires, mais jamais dans des eaux permanentes.
Figure 12. Hoplobatrachus occipitalis du Gabon(© Brian Gratwicke).
3.7. Hemisotidae
Un seul genre : Hemisus (figure 13).
Dans la zone considérée, cette famille ne comprend qu’un genre et sept espèces de grenouilles (pour un total de neuf dans toute l’Afrique) que l’on ne rencontre qu’en Afrique subsaharienne. Ce sont des grenouilles au nez aplati et au corps globuleux. Elles ont un museau est dur et pointu, de forts membres antérieurs et postérieurs et n’ont pas de sternum. Cette morphologie leur permet d’être rapides et d’efficaces des fouisseurs. Elles pondent leurs œufs sous terre dans les plaines à la fin de la saison sèche. Ensuite, lors de la saison des pluies, les nids sont inondés et les têtards nagent vers des mares temporaires pour achever leur développement. Les têtards peuvent également grimper sur les dos de leurs parents pour être acheminés vers l’eau.
Figure 13. Hemisus marmoratus se rencontre en Afrique subsaharienne jusqu'à 1 850 m d'altitude dans la savane herbeuse. Les mâles mesurent de 22 à 34 mm et les femelles de 37 à 49 mm (© Ryanvanhuyssteen).
3.8. Hylidae
Un seul genre, Hyla et deux espèces.
En Afrique, cette famille, qui fait partie du groupe des rainettes, n’est représentée que par le genre Hyla. Il existe 33 espèces d’Hyla, mais seules deux vivent en Afrique : Hyla marmoratus (figure 14) en Algérie et au Maroc, Hyla savignyi en Égypte (figure 15). Ce sont des espèces qui apprécient particulièrement les arbres et les arbustes, voire même les champs de graminées, à condition qu’un point d’eau ne soit pas trop éloigné. Les œufs sont pondus dans l’eau et le développement des têtards est entièrement aquatique. H. savignyi est capable de vivre dans des habitats beaucoup plus secs que H. marmoratus puisqu’on la trouve dans des zones désertiques ou semi-désertiques. Mais dans ce cas, une oasis n’est jamais trop éloignée.
Figure 14. Hyla meridionalis est une rainette assez commune qui ne semble pas menacée car elle semble s’adapter à de nombreux habitats même lorsqu’ils sont dégradés (© Viajero del tiempo).
Figure 15. Hyla savignyi vit essentiellement au moyen orient et en Transcaucasie, mais il existe une population en Egypte, où elle n’est pas considérée comme très menacée, même s’il s’agit d’une population isolée (© Zeynel Cebeci)
3.9. Hyperoliidae
Quinze genres : Acanthixalus, Afrixalus, Alexteroon, Arlequinus, Callixalus, Chlorolius, Chrysobatrachus, Cryptothylax, Hyperolius, Kassina, Kassinula, Morerella, Opisthothylax, Paracassina, Phlyctimantis (figure 16).
Dans la zone qui nous concerne, les Hyperoliidae comprennent 180 espèces réparties en 15 genres. Cette famille ne vit qu’en Afrique subsaharienne, y compris Madagascar et quelques autres îles. Hormis le genre Kassina qui est terrestre, les autres sont arboricoles. La plupart d’entre elles vivent en forêt, mais les savanes abritent un nombre non négligeables de ces rainettes. Leur caractère sans doute leplus facile à observer est la présence aux doigts et aux orteils de disques évidemment en rapport avec l’aptitude de ces formes à grimper sur les arbres ou simplement sur les herbes. Le développement des têtards a lieu dans l’eau. De nombreuses espèces ont de vives couleurs et présentent un dimorphisme sexuel.
Figure 16. Quatre des 180 espèces de Hyperoliidae vivant en Afrique au nord de l’équateur.
3.10. Microhylidae
Trois genres : Hoplophryne, Parhoplophryne, Phrynomantis (figure 17).
Cette famille est un groupe complexe puisqu’elle ne comprend pas moins de 70 genres et plus de 450 espèces. Cependant, dans la zone qui nous concerne, il n’existe que trois genres et sept espèces. Ce sont des espèces qui ont un museau assez court, des pattes assez fortes et un corps plutôt globuleux.
Figure 17. Phrynomantis bifasciatus fréquente les mares temporaires de savane et de prairies inondées. Dans la zone qui nous concerne, on la trouve au Kenya, en Tanzanie et en RDC (© Bernard Dupont).
3.11. Odontobatrachidae
Un genre : Odontobatrachus (figure 18).
Les cinq espèces du genre Odontobatrachus se rencontrent en Guinée, en Côte d'Ivoire, au Liberia et en Sierra Leone. Ces grenouilles fréquentent les pays forestiers à proximité de ruisseaux de montagne ayant un courant fort et rapide. La distribution de chaque espèce est inégale, mais où l’espèce est présente, elle est généralement abondante. Les activités humaines comme l’exploitation forestière, l’agriculture et l’extraction de minerai constituent des menaces écologiques pour l’espèce, notamment parce qu’elles causent la perte de l’habitat forestier.
Ce sont des grenouilles de taille modérée dont la longueur du corps n’excède pas 65 mm. La peau est de texture granuleuse avec des crêtes glandulaires. Il n’existe aucun organe de la ligne latérale, mais le mâle possède des tampons nuptiaux. Le maxillaire est garni de nombreuses dents très pointues et légèrement recourbées. En revanche, chaque mandibule ne porte qu’une grosse dent médiane pointue et très recourbée.
Figure 18. Cinq espèces d’Odontobatrachus que l’on rencontre en Afrique de l’Ouest.
3.12. Pelobatidae
Cette famille ne comprend qu’un seul genre, Pelobates, et quatre espèces, dont une seule, Pelobates varaldii (figure 19), est endémique dans notre zone d’étude au Maroc. Elle se rencontre jusqu'à 350 m d'altitude en populations fragmentées dans les régions côtières. Compte tenu de la perte ou de de la dégradation de son habitat, cette espèce est sur la liste rouge, en danger, de l’IUCN. Les Pelobatidae vivent dans les habitats arides et sont réputés pour leur apparente manière d’exploser hors de terre pour s’accoupler après la première pluie. Ils se reproduisent ensuite dans de petites mares qui sont généralement temporaires. Les têtards se développent rapidement dans ces mares temporaires, même dans les régions désertiques. Ils ont des pattes courtes, un corps trapu et des pupilles verticales.
Figure 19. Pelobates varalddi est la seule espèce de Pelobatidae susceptible d’être rencontrée dans la zone d’étude. Endémique du Maroc, elle se rencontre en populations fragmentées dans les régions côtières (© moroccoherps).
3.13. Petropedetidae
Trois genres : Arthroleptides, Ericabatrachus, Petropedetes (figure 20).
Les Petropedetidae comprennent trois genres et 12 espèces, toutes originaires d’Afrique tropicale (depuis le Cameroun à l’ouest jusqu’à l’Éthiopie et la Tanzanie à l’est). On donne parfois à ces espèces le nom vernaculaire de grenouilles africaines de torrent. En effet, elles vivent dans les zones d’éclaboussure des cours d’eau forestiers. Les têtards sont semi-terrestres dans la zone d’éclaboussure ou totalement aquatiques dans les zones des courants plus forts. Certaines espèces gardent leur ponte. Il s’agit d’espèces de petite taille (Ericabatrachus) ou des grenouilles de taille moyenne à grande (Arthroleptides, Petropedetes).
Figure 20. Deux des 12 espèces de Petropedetidae que l’on rencontre en Afrique au nord de l’équateur.
3.14. Phrynobatrachidae
Un seul genre : Phrynobatrachus (figure 21).
Les Phrynobatrachidae ne se trouvent qu’en Afrique subsaharienne. Il s’agit d’une famille monogénérique, Phrynobatrachus, qui comprend 86 espèces. Les anglophones leur donnent parfois le nom commun de grenouilles africaines des flaques d’eau (African puddle frogs). Ce nom commun se réfère au fait que de nombreuses espèces se reproduisent dans les plans d’eau temporaires comme les flaques d’eau.
Les Phrynobatrachus figurent parmi les amphibiens plus courants en Afrique. Ils sont généralement petits (généralement d’une taille inférieure à 30 mm) et se déplaçant rapidement. Ils occupent une variété d’habitats allant des savanes sèches aux forêts humides. La plupart des espèces déposent petits œufs en plusieurs grappes à la surface de mares ou dans des écosystèmes à courant lent.
Certaines montrent que cet important genre peut-être être subdivisé en trois clades majeurs. Ces clades pourraient, dans l’avenir, être considérés comme des genres différents, mais ce nouvel arrangement n’est pas encore d’actualité.
Figure 21. Huit des 86 espèces de Phrynobatrachidae que l’on rencontre en Afrique au nord de l’équateur.
3.15. Pipidae
Trois genres : Hymenochirus, Pseudhymenochirus, Xenopus (figure 22).
Toutes les espèces de Pipidae sont des grenouilles primitives, sans langue. Les Pipidae se trouvent en Amérique du Sud tropicale (genre Pipa) et en Afrique subsaharienne (trois autres genres : Hymenochirus, Pseudhymenochirus, Xenopus et 33 espèces). Ces grenouilles sont exclusivement aquatiques et présentent de nombreuses modifications morphologiques adaptées à leur habitat. Par exemple, les pieds sont entièrement palmés, le corps est aplati et il existe un système sur la ligne latérale. En outre, les Pipidae possèdent des oreilles fortement modifiés qui leur permettent de produire et recevoir des sons sous l’eau. Ils n’ont ni langue ni cordes vocales, mais des tiges osseuses dans le larynx qui les aident à produire des sons. La longueur du corps varie entre 4 et 19 cm. On trouve les membres de cette famille dans presque tous les types de milieux aquatiques.
Figure 22. Cinq des 33 espèces de Pipidae que l’on rencontre en Afrique au nord de l’équateur.
3.16. Ptychadenidae
Trois genres : Hildebrandtia, Lanzarana, Ptychadena (figure 23).
Les Ptychadenidae ne se rencontrent qu’en Afrique subsaharienne. Dans notre zone d’étude, il existe trois genres, Hildebrandtia, Lanzarana, Ptychadena, et 45 espèces (on en dénombre 53 pour toute l’Afrique). Les espèces de Ptychadena possèdent un corps assez élancé avec de longues jambes qui font d’eux d’excellents sauteurs. Ces grenouilles sont de ce fait difficiles à attraper et sont souvent dénommés « grenouilles fusées ».
Figure 23. Cinq des 45 espèces de Ptychadenidae que l’on rencontre en Afrique au nord de l’équateur.
3.17. Pyxicephalidae
Six genres : Amietia, Aubria, Cacosternum, Pyxicephalus, Strongylopus, Tomopterna.
Les Pyxicephalidae ne se rencontrent qu’en Afrique subsaharienne. Dans notre zone d’étude, il existe six genres et 33 espèces (on dénombre 12 genres et 80 pour toute l’Afrique).
Amietia est un genre d’amphibiens de la famille des Pyxicephalidae, endémique de l’Afrique centrale et australe. Le genre était autrefois appelé Afrana et était placé dans la famille des Ranidae. Ils sont communément connus comme grenouilles à grande bouche ou grenouilles de rivière.
Aubria est un genre de grenouilles, dont tous les membres se trouvent en Afrique de l’Ouest. Leur nom courant est grenouilles ballon ou de grenouilles pêcheuses.
Cacosternum est un genre d’amphibiens de la famille des Pyxicephalidae que l'on trouve en Afrique australe et orientale. Ils ont plusieurs noms communs, y compris grenouilles gracieuses et grenouilles métalliques.
Pyxicephalus (Pyxis = « boîte (ronde) » Céphale = « tête ») est un genre de vraies grenouilles d’Afrique sub-saharienne, communément appelé grenouilles taureau d’Afrique (figure 24). C’est la plus grande grenouille d’Afrique du Sud. Elle vit dans les prairies ouvertes et peut être trouvé dans les flaques d’eau. Pendant la saison sèche elles creusent un terrier sous terre. Cette grenouille se nourrit d’insectes de toutes sortes, de poisson, de souris, de lézards et parfois d’autres grenouilles. Si elles sont menacées, elles se gonflent pour effrayer l’agresseur.
Figure 24. On trouve Pyxicephalus edulis un peu partout en Afrique, et dans tous les habitats, pourvu qu’il y ait une certaine humidité persistante (© Bernard Dupont).
Strongylopus est un genre de la famille des Pyxicephalidae originaire d’Afrique. Elles se trouvent depuis le sud-ouest de l'Afrique du Sud et la Namibie jusqu’au sud de la Tanzanie. Leur nom courant est grenouille de rivière. Strongylopus sont des grenouilles, petites à moyennes, qui mesurent entre 25 et 55 mm. On trouve ces espèces depuis le niveau de la mer jusqu'à 3 250 m d’altitude.
Tomopterna (noms communs : grenouille de sable, grenouille fouisseuse, grenouille-taureau de l'ancien monde) est un genre d’amphibiens de l’Afrique subsaharienne (figure 25).
Figure 25. On trouve Tomopterna marmorata en Afrique orientale et australe (au Kenya et en Tanzanie dans la zone qui nous concerne), et dans tous les habitats, pourvu qu’il y ait une certaine humidité persistante (© Bernard Dupont).
3.18. Ranidae
Deux genres : Amnirana (figure 26), Pelophylax (figure 27).
Les membres de cette famille sont connus comme les vraies grenouilles. Les 386 espèces des 22 genres se rencontrent pratiquement sur tous les continents, mais elles sont peu diversifiées en Afrique. Dans notre zone d’étude, on ne rencontre, en effet, que 13 espèces appartenant aux deux genres, Amnirana et Pelophylax. Les Amnirana (10 espèces) vivent en Afrique occidentale, centrale et orientale tandis qu’on ne rencontre les Pelophylax (3 espèces) qu’en Afrique du Nord et en Érythrée (P. demarchii).
Les représentants des Ranidae présentent généralement une peau lisse, de longues pattes arrière puissamment musclées et palmées. La plupart sont aquatiques et la majorité d'entre eux pondent leurs œufs dans l'eau et passent par un stade larvaire, les têtards.
Figure 26. Amnirana albolabris est une grenouille très commune que l’on rencontre un peu partout en Afrique (© Bernard Dupont).
Figure 27. Deux des trois espèces de Pelophylax que l’on rencontre en Afrique au nord de l’équateur.
3.19. Rhacophoridae
1 genre : Chiromantis
Les membres de cette famille se rencontrent surtout en Asie du Sud, en Asie du Sud-Est et en Asie de l'Est. C’est pour cette raison qu’on les appelle communément Rainettes asiatiques. Cependant quatre espèces du genre Chiromantis (figure 28) vivent en Afrique subsaharienne dont l’une C. rufescens est largement distribuée en Afrique occidentale et centrale. Les trois autres, C. kelleri, C. petersii et C. xerampelina ne se rencontrent qu’en Afrique de l’est et en Afrique australe (hors de notre zone d’étude). Toutes ces espèces, arboricoles, ont les pattes pourvues de ventouses. Les pattes avant des membres du genre Chiromantis ont deux doigts opposables. Ces rainettes ont de grands yeux avec des pupilles horizontales. Toutes ces espèces font des nids d’écume. Lors des premières pluies, les femelles se réunissent avec plusieurs mâles (polyandrie). Ils s’accouplent tout en créant une grand nid de mousse qu’ils fabriquent en se frottant les pattes (figure 29). Ce nid surplombe une flaque d’eau qui permettra aux têtards de continuer leur développement à l’éclosion des œufs.
Figure 28. Deux des quatre espèces de Chiromantis que l’on rencontre en Afrique au nord de l’équateur.
Figure 29. Nid d’écume de Chiromantis xerampelina (© Arno Meintjes).
4. Distribution géographique des amphibiens en Afrique occidentale (d’après Lamotte & Xavier, 1981)
Par leur développement larvaire aquatique comme par la sensibilité de leur peau à la sécheresse, les amphibiens ont une répartition géographique qui est très liée au climat et plus spécialement à l’importance et au régime des précipitations.
En Afrique de l’Ouest, où les zones climatiques, sont elles-mêmes, en étroite relation avec la latitude, les aires de répartition des espèces se trouvent ainsi correspondre assez bien aux principales zones de végétation, depuis les steppes sahéliennes au nord jusqu’à la forêt sempervirente au sud, en passant par les savanes soudanaises, puis les savanes pré-forestières guinéennes.
Certaines espèces sont cantonnées dans la zone sahélienne et dans les savanes sèches. Leur adaptation se manifeste morphologiquement par des aptitudes à s’enfouir (orteils et doigts robustes, forts tubercules métatarsiens, pattes courtes, corps plutôt globuleux) et physiologiquement par un développement larvaire très rapide leur permettant de profiter de la brève mise en eau des mares temporaires. À cette première catégorie appartiennent notamment Sclerophrys pentoni (Bufonidae), Sclerophrys xeros (Bufonidae), Ptychadena trinodis (Ptychadenidae), Kassina cassinoides, Kassina fusca (Hyperoliidae), Lepdopelis bufonides (Arthroleptidae), Pyxicephalus adspersus (Pyxicephalidae) (figure 30) et aussi, fait curieux, Xenopus muelleri (Pipidae) à vie adulte entièrement; aquatique.
Figure 30. Pyxicephalus adspersus (Pyxicephalidae) cette grenouille géante peut atteindre jusqu'à 20 cm de diamètre et vivre 40 ans. Elle mange presque tout – insectes, petits mammifères et même d’autres grenouilles ! Elle est capable de vivre sans eau ni nourriture pendant des mois en creusant sous terre. Lorsque les pluies arrivent, elle sort pour manger et s’accoupler. Le mâle garde les têtards, qui nagent autour de lui pour être protégés. Cependant, il arrive parfois qu’il mange les têtards plus faibles, tout comme les petites grenouilles vont manger leurs petits frères et sœurs (© Ltshears).
L’existence en Afrique occidentale de Sclerophrys mauritanica (Bufonidae) (figure 31) est controversée et sa présence au nord Mali est certainement due à une erreur d’identification, puisqu’il s’agit d’une espèce qui n’est connue que d’Afrique du Nord.
Figure 31. Sclerophrys mauritanica (Bufonidae) vit dans une large bande côtière allant du Maroc à la Tunisie. Mais sa répartition est très fragmentée et chaque population occupe une zone géographique assez restreinte. Certaines populations signalées du nord Mali, du nord Niger, du Hoggar et de Mauritanie sont certainement dues à de mauvaises identifications. La reproduction n’a pas forcément lieu chaque année pour l’ensemble des populations, notamment les années de sécheresse (© Sander van der Wel).
D’autres espèces, moins strictement xérophiles, sont répandues dans toutes les savanes y compris les savanes guinéennes, jusqu’aux limites de la forêt. Ce groupe comprend notamment Amirana galamensis (Ranidae), Phrynobatrachus francisci (Phrynobatrachidae), Ptychadena mascareniensis (Ptychadenidae) (figure 23), Kassina senegalensis (figure 16), Hyperolius nitidulus (Hyperoliidae), Phrynomantis microps (Microhylidae) (figure 32), Afrixalus weidholzi (Hyperoliidae).
Figure 32. Phrynomantis microps (Microhylidae) vit dans les savanes d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, du Sénégal au Nigeria. La reproduction est déclenchée par les précipitations et par la saisonnalité. Au cours des années sèches, l’espèce se reproduit lorsque la quantité de pluie est supérieure à 18 mm au début de la saison des pluies car la plupart des étangs sont susceptibles de durer assez longtemps pour que la métamorphose des têtards se fassent. Au cours des années humides, elle fraie après presque chaque pluie (© Frank Teigler).
D’autres espèces, inféodées aux milieux herbacés, pénètrent néanmoins dans la zone forestière, comme Afrixalus fulvovittatus (Hyperoliidae) et, dans une moindre mesure, Leptopelis viridis (Arthroleptidae) (figure 33).
Figure 33. Leptopelis viridis (Arthroleptidae) est une espèce de savane abondante en Afrique de l’Ouest, au nord Cameroun et au nord-est de la RDC. Au Burkina Faso, L. viridis est l’une des nombreuses espèces de grenouilles commercialisées et utilisées comme une source de nourriture. L’espèce est parfois utilisée en médecine traditionnelle dans les zones où la médecine occidentale n’est pas disponible (© Alexander Koenig).
Il existe aussi des espèces qui, présentes en savane - sans toutefois atteindre les zones les plus sèches -, sont également répandues dans la zone forestière. C’est le cas de Hemisus marmoratus (Hemisotidae) (figure 13), Phrynobatrachus accraensis (Phrynobatrachidae), Ptychadena bibroni (Ptychadenidae) (figure 34), Hoplobatrachus occipitalis (Dicroglossidae) (figure 12), Sclerophrys regularis (Bufonidae) (figure 10) et (figure 35), qui sont donc plus ou moins ubiquistes dans l’Ouest africain. Hyperolius igbettensis et Hyperolius lamottei (Hyperoliidae) (figure 36) sont des espèces de milieux herbacés humides, notamment de la zone des savanes guinéennes avec galeries forestières comme aussi Ptychadena oxyrhynchus (Ptychadenidae) (figure 23) qui fréquente de préférence la forêt.
Figure 34. Ptychadena bibroni (Ptychadenidae) se rencontre depuis le Sénégal jusqu’au nord-est de la RDC. Son habitat de prédilection est la savane arborée humide, mais on trouve également cette espèce dans la savane sèche et les zones perturbées en zone forestière. Elle se reproduit dans les petites mares temporaires d’eau stagnante. (© Alexander Koenig).
Figure 35. Sclerophrys maculata (Bufonidae) se trouve dans les savanes humides d’Afrique occidentale et orientale. Vers le sud sa répartition s’étend jusqu’au nord-est de l’Afrique du Sud. En Afrique de l’Ouest, cette espèce vit probablement dans les zones de forêt tropicale, mais elle colonise les zones de savane le long des rivières, car en dehors des cours d’eau leur chance de survie est mince. Dès que la saison des pluies commence, le comportement des crapauds change complètement et la plupart d'entre eux quittent alors les rives des rivières pour chercher leurs proies dans la forêt galerie (© Václav Gvoždík).
Figure 36. Hyperolius lamottei (Hyperoliidae) est une grenouille de commune de la Guinée à la Côte d’Ivoire. Elle est élancée et petite puisqu’elle mesure un peu moins de 3 cm. Son habitat naturel est les forêts humides, les savanes humides et les plaines herbeuses inondées constituent son habitat principale en zone tropicale ou subtropicale. Il est également nécessaire qu’il y ait une source d’eau, même intermittente, assez proche. (© Theodore Papenfuss).
On doit signaler enfin que certaines espèces surtout forestières peuvent se retrouver dans des zones plus septentrionales à la faveur peut-être des galeries forestières. Dans cette catégorie se range Hyperolius concolor (Hyperoliidae), dont la forme H. c. ibadanensis est localisée dans la partie septentrionale du Nigeria. Les caractéristiques de la distribution d’est en ouest sont plus difficiles à préciser exactement pour beaucoup d’espèces. Les travaux récents sur la vallée du Nil signalent une dizaine d’espèces, dont Sclerophrys regularis (Bufonidae) (figure 10) - décrit d’Égypte -, Hemisus marmoratus (Hemisotidae) (figure 13), deux espèces de Phrynobatrachus (Phrynobatrachidae) - dont sans doute P. francisci d’Afrique de l’Ouest ou une forme voisine -, Ptychadena mascareniensis (Ptychadenidae) (figure 23), forme vicariante de P. pumilio (figure 23) et Sclerophrys mauritanica (Bufonidae) (figure 31) présente en Afrique du Nord mais absente dans l’Ouest africain tropical. On doit souligner la large distribution vers l’Afrique orientale et même vers l’Afrique du Sud de formes identiques - ou presque - à Tomopterna cryptotis (Pyxicephalidae) (figure 37), Pyxicephalus adspersus (Pyxicephalidae) (figure 30), Hoplobatrachus occipitalis (Dicroglossidae) (figure 12), Hildebrandtia ornata (Ptychadenidae) (figure 23), Ptychadena oxyrhynchus (Ptychadenidae) (figure 23), Hyperolius nitidulus (Hyperoliidae), Kassina senegalensis (Hyperoliidae) (figure 16), Xenopus muelleri (Pipidae).
Figure 37. Tomopterna cryptotis (Pyxicephalidae) (à gauche) est une espèce africaine que l’on rencontre un peu partout en Afrique subsaharienne (© Bernard Dupont). Elle est très proche de T. delalandii (à droite) endémique d’Afrique du Sud (© Martin Pickersgill).
5. Principaux traits du développement larvaire (d’après Lamotte & Xavier, 1981)
L’œuf, contenu dans sa gangue gélatineuse, est fécondé chez les anoures au plus tard dès qu’il est pondu. L’ensemble des œufs provenant d’une femelle est appelé ponte. Cette ponte, par son aspect, l’agencement des œufs et leur nombre, est assez caractéristique du genre et parfois même de l’espèce. Ainsi, par exemple, les œufs de Sclerophrys regularis (Bufonidae) (figure 10) sont pondus inclus dans de longs cordons mucilagineux où ils sont disposés les uns à la suite des autres (figure 38a) et non en alternance sur deux ou trois rangs comme chez le crapaud commun, Bufo bufo (Bufonidae), qui est l’espèce la plus répandue en Europe.
Aussitôt après la ponte se déroulent dans l’œuf les phases successives du développement embryonnaire : segmentation, gastrulation et neurulation. Au bout de quelques jours, l’embryon, qui présente une ébauche de queue, sécrète une diastase qui digère la gaine de gélatine et le libère ainsi de ses enveloppes. C’est l’éclosion. La larve montre alors une tête large dépourvue d’yeux et où les narines et la bouche ne sont qu’ébauchées. En arrière de la bouche, on distingue un petit organe mamelonné qui permet à la larve, incapable encore de nager, de se fixer à un support (figure 38b). Très en arrière de la tête, deux tubercules situés latéralement forment bientôt plusieurs digitations : les branchies externes. Chez Sclerophrys regularis, la larve mesure alors environ 7 mm de longueur totale. La queue, qui atteint 4 mm, est étroite et longue par rapport au corps, ce qui rend l’allure générale de l’animal plutôt élancée. Peu à peu, la vésicule vitelline disparaît alors que les yeux, la bouche et les narines se forment. Les fentes branchiales entrent en communication avec la bouche, les spires intestinales apparaissent et le tube anal, transparent, s’ouvre ventralement en position médiane (figure 38c). La bouche présente alors un bec corné noir constitué d’un élément supérieur et d’un élément inférieur bordés par les lèvres. Les lèvres sont frangées de papilles et garnies de rangées de dents labiales ou denticules. Ces rangées simples, doubles ou triples, tantôt continues, tantôt divisées, sont acquises progressivement - mais précocement - au cours du développement larvaire. On exprime leur disposition par la formule dentaire. Un repli de peau va, pendant ce temps, s’étendre d’avant en arrière sur les branchies externes de chaque côté du corps. Ces deux replis vont se souder et ne laisser subsister qu’un seul orifice, le spiracle ou spiraculum généralement sénestre (figure 38c). Les branchies externes se résorbent et des branchies internes se développent sur les parois des fentes branchiales. L’oxygène nécessaire à la respiration est apporté par un courant d’eau allant de la bouche au spiracle. La larve est maintenant un têtard.
Chez Sclerophrys regularis, les proportions du jeune têtard changent. La tête et le corps prennent une importance plus grande par rapport à la queue. La queue est de couleur noire comme le corps mais la nageoire caudale est transparente. Le têtard mesure alors 20 mm dont 9 mm pour le corps et 11 mm pour la queue. Les organes adhésifs ont disparu tandis que les bourgeons des membres postérieurs ont fait leur apparition (figure 38d). Sa formule dentaire est alors complète c’est-à-dire deux rangées en haut dont une complète et une divisée, et trois rangées complètes en bas (figure. 38e). Le têtard entre maintenant dans une longue phase d’accroissement. Lorsque les orteils sont bien distincts, la taille est proche de son maximum. La taille maximale des têtards, qui peut être inférieure, égale ou supérieure à celle des parents selon les espèces, est utile à la détermination de l’espèce. Lorsque le têtard a atteint sa taille maximale, les doigts des membres antérieurs font saillie de chaque côté du corps et le tube anal régresse (figure 38f). L’aspect des têtards possédant des membres antérieurs et postérieurs est nettement différent. La tête est grosse par rapport au corps. Le bec corné et les denticules ont disparu et la bouche est devenue semblable à celle d’un adulte (figure 38g). On distingue les ouvertures par lesquelles sont sortis les membres antérieurs ; celle du côté gauche est le spiraculum, qui va se fermer tandis que les poumons entrent alors en fonction. Le têtard entre alors dans la période que l’on nomme métamorphose. La queue régresse progressivement. Le têtard de Sclerophrys regularis, dont la taille varie alors de 9 à 11 mm, offre de grandes ressemblances avec l’adulte : le corps est trapu, les membres sont proportionnellement assez courts (9 à 10 mm pour les membres postérieurs, 4 A 5 mm pour les membres antérieurs) et la peau brune a des reflets olivâtres.
Figure 38. Développement larvaire de Sclerophrys regularis (Bufonidae). Cordon mucilagineux contenant les œufs (a) ; larve après l’éclosion, avec branchies externes et organe adhésif (b) ; apparition du spiracle (c) ; apparition des bourgeons des membres postérieurs (d) ; e : formule dentaire complète de jeune têtard (e) ; régression du tube anal chez le têtard au maximum de sa taille (f) ; sortie des membres antérieurs et régression de la queue (g) (redessiné d’après Lamotte & Xavier, 1981).
6. Variations de la morphologie des têtards
Plus que les adultes, les têtards d’amphibiens sont de vrais habitants du milieu aquatique, mais leur morphologie est dans l’ensemble assez peu variable et les caractères spécifiques difficiles à définir en général. Un effort a été fait cependant, depuis quelques années, pour décrire les principaux types et il est possible d’arriver au moins à l’identification du genre. On peut considérer à part le cas des têtards de Xenopus (Pipidae), notamment de X. muelleri, espèce aquatique qui habite les zones sèches de l’Ouest africain, présente jusque dans certaines gueltas. Ces têtards se reconnaissent immédiatement à la forme aplatie et élargie de leur tête qui porte latéralement deux tentacules (figure 39). Ce sont des planctonophages qui créent, grâce à leur filament caudal, un courant d’eau amenant à la bouche les particules dont ils se nourrissent. Pour distinguer les têtards des autres genres, on utilise en premier lieu la disposition et le nombre des rangées de denticules cornés autour de la bouche et, dans une moindre mesure, l’allure du bec corné et des papilles. La taille au moment de la métamorphose donne une indication complémentaire, ainsi que la longueur relative de la queue et du corps ou encore la hauteur de la queue et de la nageoire caudale.
Figure 39. Stades successifs du développement larvaire de Xenopus muelleri (Pipidae) (d’après Lamotte & Xavier, 1981).
On a regroupé les représentations de quelques têtards particulièrement caractéristiques d’espèces de la zone sahélo-soudanienne (figure 40).
Figure 40. Représentation de quelques espèces de têtards d’Afrique sahélo-soudanienne (d’après Lamotte & Xavier, 1981).
Les ravages du champignon Batrachochytrium dendrobatidis d’après Bourgeois, 2008
L’énigme planant sur les déclins de populations d’amphibiens dans de vastes parcs et réserves virtuellement à l’abri de toute activité humaine a, entre autres, été brisée par l’apparition et la description d’un nouveau pathogène associé aux amphibiens: le champignon Batrachochytrium dendrobatidis. Cette découverte a donné le nom de chytridiomycose à l’infection cutanée qui affligerait plusieurs espèces d’amphibiens depuis des décennies (figure 41). Les grenouilles infectées présentent des troubles neurologiques, des lésions cutanées et une hyperkératose, qui provoquent peu à peu l’impossibilité de respirer par la peau, et à terme la mort de l’animal. Des études expérimentales ont montré que le temps écoulé entre l’infection et la mort était de une à deux semaines. Les champignons dits « chytrides » sont hydrophiles et habitent les milieux aquatiques et les sols humides. Ils dégradent principalement la cellulose, la chitine et la kératine des plantes, algues et invertébrés. L’espèce B. dendrobatidis est cependant la seule à infecter les vertébrés. Celui-ci croît entre 6 et 28 °C et meurt à des températures trop élevées. Toutefois, à 30 °C, il peut survivre en évitant activement l’exposition directe à une telle température; et il est d’une plus grande virulence entre 17 et 25 °C, un écart de température représentatif de son occurrence géographique. Cette espèce de chytridiomycète a été trouvée sur des amphibiens habitant les milieux riverains ou le sol des forêts humides, et associée à des anormalités des parties kératinisées de la bouche des têtards. L’origine et la propagation de B. dendrobatidis demeurent inconnues. Premièrement, l’infection par ce champignon a pu se développer en Australie, en Afrique, en Amérique et en Europe, et les amphibiens susceptibles de contacter celui-ci ont rapidement connu des déclins de populations. Deuxièmement, B. dendrobatidis constitue un pathogène omniprésent dans les milieux aquatiques du monde entier, et des infections ne surgissent que lorsque les amphibiens sont exposés à des tensions environnementales inattendues. Il est impossible pour l’instant de distinguer si le champignon se propage naturellement ou si les activités humaines (espèces porteuses introduites, changements climatiques…) provoquent l’apparition du pathogène dans des régions où les amphibiens n’y sont pas adaptés. On sait seulement que B. dendrobatidis ne peut survivre que quelques heures à la dessiccation et préfère de loin les conditions thermiques relativement fraîches car sa zoospore ne peut nager plus de 2 cm avant de s’enkyster. De là, on a conclu que la propagation des zoospores de ce chytridiomycète passe obligatoirement par l’eau courante permanente, et que les amphibiens dont les larves restent des années dans l’eau sont plus vulnérables aux infections. Par conséquent, les amphibiens strictement terrestres ne possédant aucune étape de leur cycle de vie dans l’eau courent de moins grands risques d’infection. De plus, les amphibiens tropicaux habitant des forêts d’altitude moyenne ou élevée où la température est clémente pour la croissance de B. dendrobatidis seraient plus à risque. On a souvent attribué l’infection au champignon B. dendrobatidis comme fatale et sans compromis pour une population d’amphibiens vulnérables. Pourtant, on a tout récemment découvert que plusieurs populations ou individus d’une population réussissent à survivre avec l’omniprésence du pathogène dans l’environnement. Dernièrement, il a été montré que des espèces d’amphibiens réussissent à survivre et à se débarrasser naturellement d’une infection au champignon, et ce en milieu sauvage grâce à leur peau qui fabrique des peptides antimicrobiaux assez puissants pour inhiber la croissance du champignon.
Figure 41. Exemple d’une grenouille présentant des signes cliniques sévères de chytridiomycose, y compris une posture anormale (© Jamie Voyles et al.).
En bref, la chytridiomycose apparaît comme une infection hautement dévastatrice dans certaines populations d’amphibiens, et ce qu’importe la région du globe. Le déclin énigmatique des amphibiens pourrait être étroitement lié à cette infection cutanée, mais les détails de son origine, de sa propagation et de sa vulnérabilité aux peptides antimicrobiaux fabriqués par certains amphibiens restent à documenter. Il est fortement suggéré que la prévalence de cette maladie fatale cause le déclin global des amphibiens en synergie avec d’autres facteurs tels les changements climatiques |
Déterminisme des coassements des anoures dans le Parc National du Banco (Côte d’Ivoire) d’après Tohe et al., 2008
Les grenouilles des familles des Bufonidae, Ranidae, Ptychadenidae, Dicroglossidae et Hyperoliidae dans le Parc National du Banco ont des activités nocturnes. À cette période de la journée, l’hygrométrie assez élevée et les températures basses seraient les facteurs conditionnant ce comportement. Pendant la journée, la plupart se camouflent dans les formations herbacées au bord des mares ou se réfugient dans le sous-bois, les bambous et autres formations végétales. La seule espèce de la famille des Phrynobatrachidae, Phrynobatrachus accraensis, est très matinale. Son pic d’activité de chants est atteint à 6 heures, au moment où la température et l’intensité lumineuse sont faibles et l’humidité relative assez élevée. Dans le Parc National de Taï (également en Côte d’Ivoire), les grenouilles des litières du genre Phrynobatrachus (Phrynobatrachidae) sont diurnes. En revanche, Cardioglossa leucomystax (Arthroleptidae), Ptychadena aequiplicata (Ptychadenidae) et Arthroleptis sp. (Arthroleptidae) sont nocturnes. L’augmentation significative de la richesse spécifique et de la densité des chants en saison pluvieuse pourrait déterminer un rythme saisonnier du comportement reproductif de ces animaux. La présence permanente d’eau (16 étangs et autres retenues d’eau) expliquerait le fait qu’il n’existe pas de différences saisonnières significatives pour les abondances de grenouilles dans le Parc National du Banco. Les précipitations ne sont pas les seuls facteurs influençant les coassements. En effet, la température et l’humidité relative de l’air jouent aussi un rôle déterminant. Cette influence est beaucoup plus marquée pour les intervalles de température et d’hygrométrie comprises respectivement entre 20 - 24° C et 80 - 100 %. En effet, ceux-ci sont propices à la reproduction, la nutrition et au développement des grenouilles. Le site étant totalement ouvert, l’intensité de la lumière solaire, les fortes températures et les faibles hygrométries diurnes sont les principales causes de la chute, voire la réduction de la grande majorité des activités de chants. Les grenouilles du Parc National du Banco ont leurs pics d’activité de chants généralement situés entre 21 heures et 24 heures. En fait, il semble que l’humidité relative optimale (à partir de 85 %) est le facteur le plus favorable, plutôt que l’heure et donc la luminosité, pour que l’activité soit maximale. Cela justifierait une activité précoce chez ces grenouilles. Amnirana albolabris (Ranidae) chante à partir de 21 heures (heure à partir de laquelle 85 % d’humidité relative est atteinte dans cette zone) et s’arrête peu avant 6 heures ; le pic étant situé aux environs de 24 heures. Chez Hoplobatrachus occipitalis (Dicroglossidae), Ptychadena mascareniensis (Ptychadenidae) et P. pumilio, des chants diurnes sont souvent émis par des mâles isolés en saison pluvieuse. |
7. Les anoures et la liste rouge de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature)
Nous donnons, ci-dessous un résumé des espèces d’anoures éteints ou menacées (tableau III), c’est-à-dire qui appartiennent à au moins une des différentes catégories définies par l’UICN. Rappelons rapidement quelles sont ces catégories (figure 42).
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Tableau III. Liste rouge des espèces d’anoures menacées en Afrique au nord de l’équateur. Nombre d’espèces par familles évaluées par catégorie (source IUCN Red List, 2017).
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